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L’appel de la cabane à sucre : Une tradition bien vivante

Crédit - Sophie Guérin

Le printemps semble déjà bien installé et la neige presque toute fondue sur le Mont-Saint-Grégoire alors que je me rends à l’Érablière Au Sous-Bois, à 45 min de route de Montréal. Nous ne sommes que le 2 mars. L’hiver a été doux avec très peu de neige. Le printemps, lui, est débarqué avec quelques semaines d’avance, au point que certains producteurs ont eu peur, par région, que les sucres se terminent avant la mi-mars. Pour l’instant, tout va bien. Malgré une légère pluie, plusieurs visiteurs se promènent dehors, un bâton de tire au bec, visitant tranquillement les lieux ou s’attardant autour d’un feu de bois. À l’intérieur, ça bourdonne. La boutique est bondée et les groupes se présentent les uns après les autres pour avoir une table.

Cette scène est commune au Québec. Chaque hiver, quand la neige commence à fondre, un appel retentit du fond de la forêt québécoise. La tradition du repas de cabane à sucre est solidement ancrée dans les mœurs des gens d’ici! La région du Haut-Richelieu compte son lot de cabanes à sucre ouvertes au public, dont la popularité ne dérougit pas année après année. Qu’elle soit traditionnelle ou moderne, la cabane à sucre repose sur un seul ingrédient principal : L’eau d’érable, dont le parcours commence dans le sol pour finir dans votre assiette. 

L’Érablière Au Sous-Bois : La tradition avant tout

Pour Pascale Gladu de l’Érablière Au Sous-Bois, l’érable est avant tout une histoire de famille et de traditions. Ses parents ont acheté l’érablière en 1972, assistés par ses grands-parents. Après qu’un incendie ait détruit la cabane originale en 2010, Pascale et son conjoint Yanick ont relevé leurs manches et rebâti leur entreprise sur un terrain voisin. Aujourd’hui, en plus de la salle à manger, on trouve sur les lieux une salle de réception où l’on peut danser le soir, une « sucrerie » adjacente à la bâtisse principale, une mini fermette avec des animaux, des jeux pour amuser les enfants, des sentiers pour se promener en admirant le réseau de prélèvement des sucres et une station de pompage vitrée pour les curieux.

La charmante salle à manger de l’Érablière Au Sous-Bois, une petite cabane à sucre empreinte de tradition, peut accueillir 380 convives — un chiffre précisément choisi par ses propriétaires, qui témoigne d’un choix délibéré de convivialité et d’intimité par rapport à leur précédente cabane de plus grande capacité. Les visiteurs viennent se régaler à volonté d’un menu authentique, qui, en plus de 50 ans, a su conserver son essence. En voici le menu : Soupe au pois, salade de choux, marinades et betteraves, pain/beurre, creton, omelette, jambon fumé, jambon sur l’os avec sauce à l’érable (la nouveauté), fèves au lard, patates rôties, les fameuses oreilles de criss, grillade brune, saucisses dans le sirop, le tout copieusement arrosé de sirop d’érable. Pour les desserts : Grand-père dans le sirop, tarte œufs et sirop, beignets du Sous Bois et bien sûr, l’incontournable tire sur la neige!

Pascale utilise encore les recettes de sa mère et de sa grand-mère. Toutes les nuits, jambon et bines cuisent doucement aux fourneaux. Ils seront servis frais du jour, pour manger sur place ou pour emporter, tout chaud. D’ailleurs, si les deux premières semaines sont habituellement calmes, il faut ensuite réserver au moins trois semaines d’avance pour pouvoir se garantir une place.

C’est seulement depuis la fin de la pandémie de COVID-19 que Pascale et Yanick travaillent tous les deux à temps plein à la cabane, qui est désormais en activité 12 mois par année. Cette extension d’activité est possible grâce à d’autres services comme la location de salles (2 salles de réception à réserver très à l’avance pour des groupes de 70 à 600 personnes, plus un service traiteur) et le Potager du Sous-Bois, équipé de 4 serres de tomates bio, plantées à proximité. Mais pour ce qui est des repas de cabane à sucre, Pascale est catégorique : « C’est seulement pendant le temps des sucres ». Les traditions, elle y tient. C’est d’ailleurs leur marque de commerce. On ne trouve pas, dans leur menu, d’option végane ni de cuisine fusion. (Ils peuvent cependant accommoder certaines intolérances signalées sur place). À noter qu’à l’Érablière Au Sous-Bois, les menus à emporter sont disponibles chauds à venir ramasser!

Faire les sucres dans un monde qui change…

Dans leur aventure, Pascale et Yanick sont maintenant accompagnés de bien des membres de leur famille dont leurs 3 filles, Kieve aux réservations, ainsi que Ode et Téa, qu’on peut voir courir d’un bout à l’autre de la salle à manger, assurant le service des jambons, des omelettes, des oreilles de crisse et de bien d’autres plats gargantuesques. Les regarder s’activer me fait penser au futur de la filière acéricole au Québec. Les changements climatiques chamboulent sinon les traditions, du moins le calendrier. Alors qu’on faisait auparavant les sucres surtout de la mi-mars à la mi-avril, on commence ces années-ci en février. Pascale et Yannick y vont au jour le jour. L’adaptation la plus importante est d’être prêt plus tôt. Si vous souhaitez encourager votre cabane favorite, une solution, réserver bien en avance, cette année certaines cabanes étaient ouvertes dès le 17 février.

Pour terminer l’entrevue, je demande à Pascale quel est son moment de l’année préféré. Le début de la saison des sucres? Le calme après la tempête? Les préparatifs du printemps? Non. Pour elle, la meilleure période se trouve au cœur de l’action, dans le gros de la saison, quand la salle à manger est pleine. Aucunement question pour elle de partir en Floride alors que le temps des sucres bat son plein. « Ça passe quand même vite! » me dit-elle. Et quand la dernière fin de semaine d’avril arrive, malgré la fatigue, la nostalgie se pointe le bout du nez. Elle est vite remplacée par la satisfaction d’une autre belle saison réussie.

Érablière Au Sous-Bois
150 Chemin du Sous-Bois, Mont-Saint-Grégoire, QC J0J 1K0
Ouvert du jeudi au dimanche 
Réservations : 450 460-4069 ou en ligne sur Libro
Bienvenue aux groupes
Prix par personne : Entre 12 $ (enfant) et 40 $
Mets chauds pour emporter disponibles

 

Par Mariève Isabel, Sommelière et fille d’acériculteur, Candidate au doctorat en littérature et environnement

Visitez l'Érabilière Au Sous-Bois

De l’arbre à la table, comment ça marche?

D’où vient l’eau d’érable? Dans les pays nordiques, à la fin de l’automne, la sève arrête de circuler dans les arbres. Les réserves de sucres et de minéraux s’accumulent dans les racines pendant l’hiver. Lorsque le printemps s’installe, la sève qu’on dit « brute » se met à circuler dans les arbres. C’est cette eau qu’on récolte dans les érablières. Lorsqu’il n’y a plus de gel, la sève brute est remplacée par la sève « élaborée », plus amère, ce qui marque la fin de la saison des sucres.

Pour que l’eau d’érable coule, plusieurs conditions doivent être réunies, la plus importante étant l’écart de température entre le jour et la nuit. Il faut que le thermomètre plonge sous zéro degré Celsius la nuit et remonte au-dessus de zéro le jour pour que la circulation ait lieu. C’est alors qu’on dit que « ça coule ». À partir de là, une panoplie d’autres facteurs influencent la quantité de sève qui s’écoule de l’arbre : L’épaisseur de neige au pied des arbres, l’ensoleillement, la pression atmosphérique et même… le vent! Mon père, acériculteur depuis plus de 50 ans, m’a toujours dit qu’on ne peut pas prévoir la saison – chaque année est une surprise.

Une fois la sève récoltée, on la fait bouillir pour la réduire. Puisqu’il faut 40L d’eau d’érable pour faire 1L de sirop, la plupart des acériculteurs utilisent aujourd’hui un séparateur qui, par osmose inversée, concentre l’eau d’érable en extrayant une partie de son eau. Ne reste plus qu’à partir la bouilleuse et déguster un petit gin au réduit d’érable en attendant que le sirop soit prêt, le privilège gardé secret des producteurs. 

Les origines de la «cabane à sucre»

On doit aux Premières Nations d’avoir fait connaître aux colons européens la sève d’érable, dès leur arrivée sur le continent. La cabane à sucre, quant à elle, date du 18e siècle. Les familles propriétaires d’un lot où se trouve une érablière commencent alors à bâtir d’humbles cabanes temporaires faites tantôt de toile, tantôt de planches et de tôle, pour bouillir la sève et la transformer en « sucre du pays », comme on l’appelle alors. On se sert déjà au début des années 1700 d’un vilebrequin (pour percer l’arbre) et d’un chalumeau, alors appelé « gouderelle », pour recueillir l’eau dans un contenant. Il faut attendre le 19e siècle pour que des cabanes permanentes soient bâties et que commence la tradition de s’y réunir, en famille et entre amis, pour se régaler et pour célébrer la fin de l’hiver.

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